LES IMMOBILES

Un projet de film documentaire écrit et réalisé par Eve Guillou.
Avec le soutien de la région Nouvelle-Aquitaine (aide aux programmes).


Voici venue l’heure du confinement. Alors que le virus se propage, notre gouvernement nous demande de nous enfermer, de nous terrer, de nous protéger les uns des autres.
Ne plus toucher, ne plus embrasser, garder nos distances. N’offrir nos sourires ou nos peines qu’à travers les écrans magiques censés nous relier mais qui nous isolent encore davantage.

On nous dit qu’on est en « guerre », on nous parle de « couvre-feu » et soudain je me dis que les isolés, les morts de trouille, les immobiles, vont crever tout seul. Tout seul chez eux.

Mon restaurant doit fermer, je ne travaille plus. Le quotidien change de fuseau horaire, de texture. Plus rien à faire. Disposant de ma caméra, de beaucoup de temps et de peu de kilomètres, j’irai toquer à leurs portes : les anciens, comme ils disent. Ces voisins discrets qui ne m’ont inspiré jusqu’à présent qu’une vague indifférence. Je prends la tangente dans mon village d’adoption que je n’ai jamais eu le temps de visiter depuis mon installation, il y a huit ans maintenant. Moi qui viens de la ville, la grande, la capitale.

Désobéir, j’ai toujours envie de désobéir quand on me donne un ordre sans dire « s’il-te-plait ». Et puis normalement on ne donne pas d’ordre quand on est en démocratie, on vote des lois, sinon c’est mal élevé, c’est comme un doigt dans le nez sans majesté. Tout ça pour dire que j’ai bien l’intention de continuer à vivre. D’ailleurs je sors prendre l’air. Changement de comportement, décalage des fuseaux, nouvelle rotation de planète, changement de nature, redécouvrir la mienne ; hygiène mentale.